Commençons tout de suite par avouer – révélation décevante, j’en conviens – que ce n’est pas moi qui ai réalisé ce cafe-racer. L’essentiel du travail a été fait par le gars qui me l’a vendu, et pour ma modeste part je me suis contenté du fignolage. Quand je dis "vendu", ce n’est pas le mot exact; en fait, j’ai eu la moto en échange d’une très belle Triumph TR6 de 1968. Le propriétaire de la Ducati, un ami qui vit dans la région de Liège en Belgique, est un mécanicien hors pair et un véritable sorcier de la prépa.
Ensuite, et avant d'aller pluis loin, je souhaite mettre les choses au clair une fois pour toutes au sujet d'un point délicat, car j’en ai vu au moins un qui rigolait avec ça sur le forum, et j’en soupçonne plusieurs autres de se marrer sous cape. La Cagiva Alazzurra est une Ducati Pantah, point barre. A part le nom et un détail du cadre que quasi personne ne connaît (sauf quelques pervers que ça émoustille), il n’y a AUCUNE différence. Que l’histoire de la marque Ducati ait connu un épisode aussi regrettable que la perte momentanée de son nom, sous l'influence pernicieuse de quelques soi-disant "managers" aussi incompétents que boutonneux (ou l'inverse), n'autorise EN RIEN qui que ce soit à se fendre la gueule comme un balourd. D’ailleurs, j’aurais pas dû le dire et personne n’en aurait jamais rien su. Bon, je me calme et je reprends le fil du récit.
Le pote de Liège avait acheté la machine donneuse chez un concessionnaire Ducati en Belgique. Il s’agissait donc d’une Cagiva Alazzura 650 de 1986. Sitôt la moto dans son bouclard, il a commencé à la mettre à poil, virant sans ménagement tout ce qui l’alourdissait et l’enlaidissait, c’est-à-dire absolument tout sauf l’ensemble cadre + moteur. Le spectacle de la Cagiva d’origine a dû lui être assez pénible, car ça n’a pas traîné, si bien que j’ai à peine eu le temps de l’apercevoir, déjà à moitié dépiautée, voici environ 5 ou 6 ans de cela. C’était un modèle à moteur peint en noir avec demi-carénage (pas comme celle que certains d’entre vous ont posté sur le site, qui est dotée d’un carénage complet).
Mais ne soyons pas injuste. En fait, et en toute honnêteté, la Cagiva 650 n’était pas plus laide que la majorité des motos des années 80. Ce qui revient à dire qu’elle était positivement à chier.
C’était aussi une moto plutôt lourde pour sa cylindrée et sa puissance, du moins selon les standards actuels ( 188 kg / 56,5 bourrins). Voici quelques photos glanées sur Internet. Attention les yeux. Je déconseille de regarder ce qui suit sans s'être mis sous Prozac au moins une demi-heure avant. Faire brûler un peu d'encens ne fera pas de tort non plus.



Sans la couleur, on apprécie encore mieux les formes. C'est ce qu'a dû se dire le proprio de celle-ci, j'imagine... Admirez la pesanteur des volumes, le design hésitant entre courbes et arêtes droites, le plastique omniprésent.


Le tableau de bord. J’ai des frissons dans le dos quand je regarde le guidon alourdi au PVC, style teuton ; à se demander si la question centrale que se posaient les designers de l’époque n’était pas la suivante : "Où pourrait-on encore ajouter du gros plastique qui fait vilain ?"

Donc, partant de là, mon pote de Liège efface tout et recommence. Son but était de se faire une moto de circuit sans dépenser une fortune, donc sans toucher au moteur. Il pense à un accastillage Ducati dans le style inégalable des années 70 et entame une chasse impitoyable aux kilos superflus. Il balance les pots d’origine, le collecteur d’échappement, la boîte à air, le réservoir et la selle avec sa coque, le tableau de bord, les phares et clignotants, les deux garde-boue. Il transforme la boucle arrière du cadre pour pouvoir adapter proprement une selle du type des 900 ss à couples coniques, soude des pattes de fixation pour un réservoir du même tonneau – et doit retravailler ledit réservoir qui, d’origine, ne passe pas sur le cadre Pantah. Tant qu'il y est, il vire aussi la fourche, de même que les roues. Ne reste littéralement de l’Alazzura que le cadre (transformé) et le moteur (d’origine, à part le filtre à air, et un polissage des conduits d'admission et d'échappement).
Il monte alors une fourche de Marzocchi de Ducati 860 GT, des jantes alu à rayons, des freins avant et arrière à tambour, un simple compte-tour, une tête de fourche (qui n’est pas, quant à elle, un modèle Ducati), un deux-en-un avec pot court terriblement bruyant. Il fait peindre la carrosserie en jaune uni (à la va-vite) et place des autocollants style années 70 (trop bas sur le réservoir). Son but étant la bagarre et pas les concours de beauté, il ne repeint ni le cadre ni le moteur, qui se trouvent dès lors dans un état de fraîcheur pour le moins discutable. La bête a perdu au moins 3 ou 4 dizaines de kilos, marche très bien et tourne une ou deux fois dans des courses d’anciennes. La voici dans un paddock en 2004. C'est déjà autre chose, non ?

Vient l’échange avec la TR6, après avoir remis la brêle dans une configuration mieux adaptée à l’usage routier (échappements 2/2 un peu moins bruyants, frein avant double disque d'origine, phare).
La voici telle que je l’ai acquise en septembre 2006.





Notez le feu arrière.

Et enfin le "tableau de bord" (si l'on ose ain si s'exprimer); difficile d'affirmer que mon Liégeois a fait dans le clinquant, ou bien?

Voilà, les gars. Ce sera tout pour aujourd'hui, car mon ADSL commence à surchauffer (un problème de lubrification, je suppose). Et puis, il est 19h20 et mon repas fait entendre son irrésistible appel, auquel mon estomac a d'ailleurs déjà répondu par des gargouillis d'enthousiasme. Suite au prochain numéro.